
Entrevue réalisée avec Emmanuelle Roberge, réalisatrice et Élise Cornelier Bernier, protagoniste.
Le 20 mars dernier a eu lieu au Cégep Garneau la diffusion d’un documentaire portant sur l’identité de genre.
La Fondation du Cégep Garneau et ses partenaires ont participé au financement de cette diffusion à travers son programme du Guichet Unique.
‘’Accepte-toi comme je suis’’ nous raconte l’histoire d’Élise, une Madelinienne, qui se confie sur sa transition, entamée il y a quelques années. Elle nous parle de sa réalité, mais aussi de ses réflexions à propos de l’identité de genre. On la rencontre dans sa maison, dans la nature qui caractérise le lieu où elle vit, les Îles.
Élise et Emmanuelle, la réalisatrice, ont accepté, pour la Fondation, de répondre à quelques questions.
Emmanuelle, qu’est-ce qui vous a inspirée à réaliser un documentaire sur l’histoire d’Élise ?
J’ai rencontré Élise en 2015. Je la connaissais avant, mais autrement. C’était la première fois que je rencontrais une personne transgenre. En échangeant avec elle, j’en apprenais sur sa réalité hors du commun et sur les défis liés à sa transition. Ma conception binaire du monde se transformait. Mes yeux s’ouvraient sur une tout autre histoire de l’humanité, sur une réalité historique occultée. J’avais en quelque sorte l’impression de vivre un choc culturel dans ma propre culture. C’est ce que j’ai voulu partager avec d’autres. En amorçant un travail documentaire, d’abord en photographie puis maintenant avec ce film, j’avais pour but de témoigner, toujours selon la volonté d’Élise, de son vécu.
Élise, pourquoi avoir accepté de parler de votre transition, et quelles étaient vos appréhensions suite à la sortie du documentaire ?
Pour permettre une meilleure compréhension du cheminement intérieur qui mène à prendre la décision de choisir d’être soi, faisant passer notre identité devant nos peurs, nos préjugés et ceux des autres.
Il est clair que pour parler de choses aussi intimes et identitaires, il faut s’ouvrir, se fragiliser afin de rendre son senti accessible et digeste aux yeux des spectateurs. Dans le climat actuel, de plus en plus haineux, rempli de faussetés et de raccourcis intellectuels, être fragile amène une grande vulnérabilité. Aujourd’hui, toute chose est détournée de façon insidieuse. Parler d’une réalité aussi polarisante amène son lot de risques et d’agressions.
S’il y a un message que nous devions retenir de ce documentaire, lequel voudriez-vous que ce soit ?
Emmanuelle : Qu’il est important que chaque être humain puisse avoir la possibilité d’être qui il est vraiment. Cela ne devrait pas être une menace pour les autres, bien au contraire.
Élise : Que bien que la notion de dysphorie de genre puisse être complexe à comprendre pour une personne qui est en accord avec son genre (cisgenre), ça n’en reste pas moins un senti tout aussi valide et profond qui mérite d’être accueilli et respecté.
À travers votre film, on voit bien quels sont les défis, les questions des personnes qui vivent une transition de genre, notamment Élise. Plus généralement, quels sont les défis pour les personnes de la communauté LGBTQ+ ?
Élise : Égalité des droits légaux, le respect de notre identité en toute situation, et pour les personnes trans qui le désirent, l’accès aux soins trans-affirmatifs. La simple notion de parent.es au lieu de « papa – maman » est encore matière à débat, alors que ces changements sont si simples à implanter.
Par exemple : Certaines personnes tiennent à l’utilisation des termes respectueux comme « Monsieur » ou « Madame », sans se rendre compte que ces termes sont irrespectueux pour une certaine partie de la population alors que le langage inclusif permet d’inclure tout le monde sans les invisibiliser ni renier leur identité.
Il y a eu un article de Radio-Canada en janvier dernier sur les enjeux des jeunes de la communauté LGBTQ+ (que vous pouvez retrouver ici)! Est-ce que vous sentez un certain recul, aujourd’hui, dans le contexte que l’on connait, dans l’acceptation par la population des aspirations des membres de cette communauté (on a envie d’être rassuré avec votre réponse) ?
Emmanuelle : Le climat politique et social actuel est parfois très inquiétant. Il faut continuer à lutter pour que dans nos sociétés, tous les êtres humains soient égaux en dignité et en droits. La sensibilisation est fort importante et il y a toutes sortes de manières de le faire. Avec ce film, j’ai choisi de laisser les débats spécifiques de côté pour aller vers la rencontre de l’autre. Je crois que c’est en créant du lien, souvent, que les préjugés s’estompent.
Élise : Je suis moi-même intervenante au GRIS Montréal, je suis donc à même de corroborer les conclusions de l’étude. Malheureusement le recul d’un discourt positif face à la montée d’un discourt haineux et désinformatif est constaté au quotidien. Cette désinformation engendre le recul des politiques d’inclusions et c’est toute la population qui en souffrira dans l’avenir, pas juste les personnes trans.
Quel message aimeriez-vous partager aux Québécois(e)s qui ne sont pas familiers avec la thématique de l’identité de genre ?
Emmanuelle : Allez vers les autres, vous verrez, il y a tellement de richesse dans la diversité.
Élise : L’identité de genre, c’est comme le pancréas. Tant que tu n’as pas eu de problème avec, tu ne sais pas qu’il existe et qu’il est nécessaire.
Pour finir, où peut-on voir votre documentaire ?
Emmanuelle : Pour l’instant, nous sommes à distribuer le film en festivals et à organiser des projections dans les établissements d’enseignement, de santé ainsi qu’au sein des organismes communautaires.
Éventuellement, le film deviendra accessible en ligne. Pour être à l’affut des divers événements, n’hésitez pas à vous inscrire à notre page Facebook Accepte-toi comme je suis.
Pour en savoir plus sur le film :
Emmanuelle Roberge, site internet
Épisode Radio-Canada, Ohdio : Accepte-toi comme je suis, un documentaire sur l’identité de genre tourné aux îles
Épisode Radio-Canada, Ohdio : Le documentaire Accepte-toi comme je suis, en première aux îles-de-la-Madeleine
Sélections et distinctions du documentaire:
2025 : Rendez-vous Québec cinéma, Montréal. Sélection officielle
2024 : Vues d’en face – Festival international du Film LGBT+ . Grenoble (France) . Sélection
2024 : LHIFF – love & hope International Film Festival . Barcelone (espagne) . Sélection officielle
Le saviez-vous?
Il existe, au Cégep Garneau, des comités pour la diversité sexuelle et de genre. N’hésitez pas à les contacter si vous aviez des questions.
- Comité des Allié.e.s du Cégep Garneau (alliees@cegepgarneau.ca)
- Comité LGBTQ+ de l’Association étudiante
Si vous vivez une situation problématique en lien avec vos orientations sexuelles, vous pouvez aussi contacter GRIS Québec ou Divergenres.